Publicité : médias, hors médias
Le montant total des investissements publicitaires (médias) dans le monde est voisin de 400 milliards de dollars, ce qui représente tout de même près de 1% du PIB mondial…
En France, le total des investissements publicitaires est estimé à un montant voisin de 30 milliards d’euros, dont l0 milliards pour les médias et 20 pour le hors médias.
(A noter pour les médias que les chiffres diffusés par les organismes spécialisés, IREP (avec un seul « p »), France Pub, TNS Sofres, peuvent diverger sensiblement, selon que l’on prend en compte l’investissement publicitaire (du point de vue de l’annonceur) ou seulement les recettes des médias. Les chiffres « bruts » et « nets » (tenant compte de remises diverses) divergent également de manière sensible.)
Historiquement, les années 70-80 ont vu la part de hors médias (d’abord minoritaire à hauteur de 40% avant 1970) rattraper puis dépasser les médias jusqu’à atteindre la répartition actuelle (deux tiers / un tiers). Mieux : la part du hors média a continué de croître légèrement depuis le début des années 2000. Cette évolution rend évidemment compte de la personnalisation progressive de la relation client dans les divers secteurs de l’économie.
En synthèse (chiffres arrondis) :
Dépenses publicitaires, France | milliards € |
Médias (presse, TV, radio, affichage, cinéma) | 10 |
Hors médias (marketing direct, promotion, annuaires, publicité par l’événement, relations publiques…) | 20 |
Dont marketing direct | 10 |
Total | 30 |
Le courrier (publipostage) est le principal vecteur du marketing direct. Le montant des dépenses en marketing direct comprend l’affranchissement et les dépenses de production des messages.
Les trois voies de la communication commerciale : média, hors-média, hymermédia
L’irruption de l’Internet (le seuil symbolique du milliard d’euros d’investissements publicitaires sur Internet aurait été franchi en 2005), conduit à distinguer désormais trois voies de communication : média, hors-média, hypermédia.
Hypermédia ? Sur Internet, il est théoriquement possible 1) de simuler, 2) de combiner tous les autres médias.
( Internet est non seulement « multimédia » (écriture, son, image, image animée…) mais on peut le qualifier d’« hypermédia » dans la mesure où il est capable de simuler et de combiner divers médias, tels la presse, la radio, la télévision, le courrier, etc.
Mais si l’hypermédia Internet simule et combine tous les autres médias, il est douteux qu’il en conserve l’autorité médiatique. Plus « riche » que les autres médias à qui il emprunte beaucoup, il est plus « pauvre » en autorité (un ministre qui chate n’est plus tout à fait sous statut de ministre), mais cette pauvreté lui vaut d’être aussi plus égalitaire, non seulement parce qu’il est ouvert à tous, mais parce qu’il efface en partie les barrières statutaires que les autres médias véhiculent plus ou moins… En partie seulement : comme les autres médias, Internet reste affecté par de fortes inégalités d’audience selon la nature de l’émetteur. )
Ainsi, Internet permet d’articuler étroitement la diffusion indistincte de messages en masse (sur le mode télévision dit « broadcast ») et des relations individuelles sinon personnelles.
L’investissement sur Internet se rapproche du seuil des 5% du montant total des investissements publicitaires.
Spécialisation, spécificité de chaque voie
Néanmoins, en dépit de l’universalité du média Internet, on devrait observer une certaine spécialisation :
1) Médias : la relation d’annonce et de notoriété en mode « broadcast », avec des spécificités selon le média considéré, télévision, radio, presse, et sa couverture (globale, nationale, locale ou « de proximité »).
2) Hypermédia : la relation transactionnelle, dans le cadre du « marketing contextuel » : un mode stimulus-réponse, en « temps réel ».
(Marketing contextuel : proposer en temps réel des offres à l’internaute selon les intérêts qu’il manifeste dans le cours de sa navigation (lorsqu’il consulte un moteur de recherche, par exemple).)
3) Hors-média : la relation « épistolaire » : interpersonnelle, construite et cumulative, dans la durée.
A noter que cette spécialisation n’exclut pas des incursions de chaque média sur le terrain des autres. A contrario : chacune des « voies » est susceptible d’engendrer des communications sur les autres voies, dans un contexte de croissance générale de la communication commerciale.
Usages, comportements, matérialité des médias
Ce qui fait la différence, et fait obstacle à une conquête totale de la communication par Internet :
- les circonstances, notamment temporelles, d’usage des différents médias – et les modes de distributio associés.
- la « matérialité » propre à chaque média : le papier et ses formats dans le cas du livre, du journal et de la lettre.
Dans chaque voie, chaque média exploite ses spécificités. Exemples :
- radio versus télévision, versus presse ;
- presse gratuite versus presse quotidienne traditionnelle (modèle économique, modèle de distribution)
(Les magazines reçoivent la majeur partie des investissements publiciaires dans la presse (environ 1,5 milliards d’euros), suivis par la presse quotidienne régionale et la presse gratuite en forte croissance (environ 1 milliard chacune), loin devant la presse quotidienne nationale (moins de 400 millions).)
La lettre : instrument privilégié d’une relation interpersonnelle « verticale » ?
Historiquement, la lettre est l’ancêtre de nos moyens de communication : elle s’inscrit, à l’origine, dans la circulation horizontale, transactionnelle, « en réseau » (le réseau postal).
Au fil du temps, elle s’est pourtant « verticalisée », et cela pour deux raisons principales :
- la littéralité de la lettre : le rédacteur de la lettre est un auteur, comme le confirme, entre autre, l’existence d’une littérature épistolaire ; or, la littérature s’inscrit à l’évidence dans l’axe vertical de l’accumulation et de la transmission ;
- la concurrence de nouveaux moyens de communication, plus efficients en termes de transactions, conduit la lettre à trouver une identité propre, comme on l’observe souvent lorsqu’un nouveau média concurrence un ancien.
(Face à la concurrence d’un nouveau média (la télévision, média à la fois « audio » et « visuel »), la radio a en quelque sorte trouvé son identité propre, dans l’espace- temps et aussi dans une certaine « intimité » (on écoute la radio le matin, dès le réveil, dans sa voiture et, le cas échéant, dans la journée, en faisant autre chose) et elle a également cultivé une dimension communautaire beaucoup moins présente à la télévision qui reste un média de masse.)
Dans un monde où prédomine la circulation des flux et des transactions, la lettre serait-elle aujourd’hui le seul « média » capable d’inscrire une communication, notamment commerciale, dans la verticalité d’une relation construite, cumulative, et durable ? La lenteur, handicap du point de vue de la communication (délai), deviendrait alors un atout (durée).
Alors même que l’échange marchand constitue le type même d’une relation sociale « transactionnelle », la lettre parvient à inscrire cette relation dans la durée d’une histoire …